Non aux petites annonces de prostitution : l’exemple espagnol

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Deux quotidiens qui renoncent à publier des annonces de prostitution, l’exemple est rare, trop rare ! C’est pourtant celui de deux quotidiens espagnols qui s’illustrent au milieu d’un océan de compromission, celui qui lie financement des médias et exploitation sexuelle des femmes.

En Espagne comme ailleurs, les journaux regorgent en effet de ces encarts destinés à un certain lectorat masculin. El Païs, El Mundo, le Diario de Séville, La Razon, l’ABC catholique et monarchiste… Quelle que soit la couleur, tous tirent une partie substantielle de leurs financements de ces encarts achetés par les bordels et autres lieux de prostitution. Difficile de savoir ce que rapportent exactement ces annonces.

Selon la Commission espagnole des droits de la femme, El Païs percevrait ainsi chaque année 5 millions d’euros en publiant jusqu’à sept cents annonces de ce type un jour de semaine ordinaire[[Libération, La prostitution, super manne espagnole, 28/11/08.]]. Selon une autre source, l’avocate Rosario Carracedo[[L’Humanité-hebdo, Une loi qui jette les femmes dans l’industrie du sexe, 18-19/02/08.]], coordinatrice de la Plate forme pour l’abolition de la prostitution, ce montant serait celui que touche l’ensemble de l’industrie de la presse espagnole, via cette forme de publicité. Ignacio Escolar[[Intervention au Colloque sur les « clients », Madrid, 2/09/08.]], directeur de publication du quotidien Publico, qui a renoncé à cette manne, parle de son côté de trois à quatre millions d’euros par médias, une affaire très rentable.

Annonce

Toujours est-il que la Plate-forme pour l’abolition de la prostitution et l’exploitation sexuelle, qui regroupe environ une trentaine d’associations de femmes, a lancé un appel à la presse en lui demandant d’éliminer ce type d’annonces.

Deux quotidiens ont donc répondu et décidé de renoncer à cette source de financement par souci de déontologie : 20 Minutes, qui selon la journaliste Raquel Perez, a choisi de privilégier l’intérêt social  en ne participant pas au développement des mafias, et Publico, créé en 2007. Selon Ignacio Escolar, il ne peut en être autrement : Nous sommes un journal de gauche, il faut être cohérents.

Plus largement, le journal a élaboré une charte interne, en partenariat avec les associations de femmes, pour utiliser un vocabulaire correct sur tout ce qui touche aux violences de genre et au machisme. Nous refusons par exemple de parler « d’annonces contact », cet euphémisme pour désigner la prostitution, souligne Ignacio Escolar qui appelle l’ensemble des médias à constituer ce type de « décalogue ».

On se doute que bien du chemin reste à faire, en Espagne et ailleurs. D’autant que les bonnes intentions déclinées dans le « Plan national de lutte contre la traite » adopté en 2007 ont déjà été revues à la baisse. Le plan comprenait à l’origine une recommandation aux médias auxquels il était demandé de renoncer à la publicité liée au commerce sexuel, mais les députés espagnols y ont finalement renoncé, préférant ne pas ennuyer les journaux…