Cour de cassation : le « caming » n’est pas de la prostitution ?

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Web « caming ». Circulez, il n’y a rien à voir. Pour la Cour de Cassation, proposer, contre rémunération, des actes sexuels par le biais d’images ou de vidéos à des « clients » exprimant leurs exigences, n’est pas de la prostitution

 La Cour de Cassation a rejeté le 18 mai 2022 un pourvoi de la Cnafc, Confédération nationale des associations familiales catholiques. Alors que cette dernière avait poursuivi en justice trois sites pornographiques accessibles aux mineurs ou représentant des mineurs, dont un proposait par webcam des actes sexuels contre paiement, elle avait du faire face en 2021 au refus de la Cour d’Appel de considérer ces faits comme relevant de la prostitution. Elle s’était donc pourvue en cassation pour en faire élargir la définition et obtenir la condamnation de ces sites pour proxénétisme aggravé.

La plainte visait notamment des sites proposant des actes de nature sexuelle délivrés devant caméra, par des jeunes femmes appelées camgirls. Mais là où les plaignant.e.s voyaient les responsables de ces sites comme passibles de proxénétisme aggravé, la Cour, elle, n’a rien vu.

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S’en tenant à sa propre définition jurisprudentielle de la prostitution datant du siècle dernier (1996), la loi française n’en proposant d’ailleurs aucune, elle a rappelé que « la prostitution consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui. »

A l’heure où Internet a totalement rebattu les cartes, la Cour n’a pas voulu le savoir. Elle a tout simplement jugé que les comportements liés au « caming » n’entrent pas dans le cadre de cette définition dès lors qu’ils n’impliquent « aucun contact physique entre la personne qui s’y livre et celle qui les sollicite ».

A lire également : « la prostitution, c’est du proxénétisme à grande échelle »

Caming et prostitution filmée, même sujet ?

Pour justifier sa décision, elle a cité les termes de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel qui parle de solliciter, accepter ou obtenir « des relations » de nature sexuelle. « Relations » qu’elle ne constate pas dans le cas des actes sexuels par webcam…L’assimilation de ces comportements à des actes de prostitution supposerait, reconnaît-elle, une extension de cette définition.

Ne proposant pas d’actes de prostitution, les sites incriminés ne peuvent être poursuivis pour proxénétisme. Le marché pornographique sort donc de cette affaire renforcé par la bienveillance des juges. Aucune prostitution, manifestement, dans l’échange d’actes sexuels contre argent, dans la mesure où un écran sépare les protagonistes…

Ecran qui suffirait à la dissoudre. Prostitution filmée, non filmée, c’est toute la différence ; une différence que le Mouvement du Nid souhaite, en toute logique, voir disparaître, l’exploitation sexuelle de la personne étant bien réelle dans les deux cas.

Cette affaire illustre une nouvelle fois l’urgence d’aboutir à une véritable définition de la prostitution, non comme le fait de « la prostituée » mais comme produit d’un système de domination.  Tous les débats du moment en montrent la nécessité. Nos législateurs y sont invités par nos associations, mais aussi par l’Office Central de Répression de la Traite des Etres Humains (OCRTH) lui-même[1]. Nous tenons à leur disposition tous les éléments de réflexion nécessaires…

 

[1]https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/devant-le-senat-policiers-et-magistrats-notent-la-porosite-entre-la