Florence Jacquet : « Soyons révolutionnaires, soyons abolitionnistes » (3/3)

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Dans la troisième partie de sa tribune « le féminisme est abolitionniste », Florence Jacquet aborde la question du féminisme. Femme trans, elle s’est présentée à nous comme survivante de la prostitution, avec le souhait de faire entendre sa voix dans les débats actuels. Une voix résolument abolitionniste.

« On les abreuve de honte parce qu’on en a fait des prostituées, comme si la honte était pour les victimes et non pour les assassins ». Louise Michel.

Le féminisme et ses divers courants sont comme la société, divisés sur la prostitution C’est Un sujet qui fâche, des « débats » qui sont très violents. La prostitution est un sujet éminemment politique, social et féministe, car elle touche en très grande majorité des femmes.Le système prostitutionnel est le dernier bastion d’une longue histoire du patriarcat où le désir de l’homme a toujours primé sur celui de la femme.

Les survivantes sont des guerrières.

On n’est pas une victime toute sa vie.

Nous sommes fortes.

Nous sommes là.

Nous sommes vivantes.

Levons la tête.

Vivons.

La France est un pays abolitionniste

-La prostitution a été une réalité du « travail » de certaines femmes jusqu’à la fin des maisons closes faisant suite à la loi Marthe Richard du 13 avril 1946. En 1960, la France ratifiait la Convention des Nations unies pour la répression de la traite et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1949.

Annonce

-Loi prostitution : Pour, contre. Le grand No man’s Land !!! Un « débat » d’une grande violence, quelque soit le positionnement, avec risque de rejet et même de détruire des amitiés.

-La honte ! Depuis quelques temps, chaque année des groupes néo-réglementaristes s’attaquent à des féministes lors de rassemblements pour la Journée internationale des droits des femmes. C’est contre-productif, et ce n’est pas du féminisme. Quand des femmes utilisent la violence contre d’autres femmes, elles ne sont jamais féministes.

Sous le prétexte que celles-ci soient abolitionnistes, pire, s’en prendre à des survivantes de la prostitution est une véritable honte. Agresser physiquement et verbalement de façon violente des personnes qui ne pensent pas comme vous est un non sens. Traiter des personnes abolitionnistes de « tueuses de putes » est inacceptable. C’est très facile et commode de désigner des coupables.

J’ai été une des rares personnes qui ont dénoncé ces agressions. Et celles-ci n’ont fait que renforcer mon point de vue et m’ont poussée à sortir de mon retranchement. La loi ne tue pas, ce sont les prostitueurs qui tuent ! L’abolitionnisme n’a jamais tué personne. Et je rajoute que cette loi n’est absolument pas transphobe.

Le discours « Les abolos tuent les putes »  est absurde et totalement stupide. Crier sans cesse à la « putophobie », et agresser des survivantes, et anciennes alliées qui sont abolitionnistes, c’est ça la putophobie.

Une activité dangereuse en elle-même

La situation prostitutionnelle est l’activité la plus à risque de mort par homicides (prostitueurs, proxénètes). Il y a 60 à 120 fois plus de risques d’être agressée ou assassinée que la population de base (rapport Carlmshare).

Est-ce qu’un jour, on trouvera une solution concernant la prostitution ? Des autrices, des survivantes et des militantes en parlent :

« Dans la prostitution, on vous traite comme si vous étiez une poupée gonflable articulée dont la seule finalité est de se pencher en avant et de se faire prendre, dans le sens littéral du terme »  Rachel Moran, survivante (Editions_libre).

« Les féminicides dans la prostitution ne prendront fin qu’avec la fin de la prostitution »  explique le collectif feminicidesfr dans la revue Prostitution et Société. Mouvement du Nid France

« Dire que les femmes ont le droit de se vendre, c’est masquer que les hommes ont le droit de les acheter. » Françoise Héritier.

Il faut les prendre en considération lorsqu’elles sont victimes de viols, d’agressions, de harcèlement et ne pas simplement dire « c’est une pute » ne pouvant imaginer qu’il puisse y avoir viols… Car certaines personnes quoiqu’elles fassent où qu’elles subissent, on leur dit et fait comprendre qu’en définitive c’est de leur faute. Ce qui est très grave, discriminant. C’est ce que l’on appelle la « culture du viol », ensemble de comportements, attitudes et idées reçues banalisant, normalisant, voire encourageant les violences sexuelles dans une société.

Les conséquences psycho-traumatiques sont gravissimes. 

Dans la prostitution, tout le monde pratique la dissociation. C’est pour cela que bien souvent les victimes préfèrent souffrir en silence plutôt que de s’exposer et subir la sanction sociale. Il faut écouter les personnes qui le font, celles indépendantes, prendre en considération leurs voix et ne pas les nier.

Le risque nul ou zéro est impossible. Aucune association ou organisme, qu’ils soient pour où contre, ne peuvent empêcher qu’il y ait des meurtres et des agressions. Seulement 1% des violeurs sont condamnés en France. Combien de millions de vies brisées ?

« La recherche nous apprend que les femmes prostituées peuvent éprouver le même niveau de PTSD (stress post-traumatique) et parfois des niveaux plus élevés que les vétérans rentrant chez eux après un conflit. » Mia.

Je me souviens que des prostitueurs me disaient : vous avez un regard froid, glacial, vous avez vécu /subi beaucoup de choses très dures.  On ne répond pas. C’était un ancien de la guerre d’Indochine qui avait été emprisonné dans les cachots. Qui reconnaissait ce genre de regard.

A lire à ce sujet, la thèse de Judith Trinquart sur la décorporalisation

Une révolution nécessaire

Les états doivent mettre les moyens sur la table pour enfin lutter efficacement contre : les réseaux, les filières, le proxénétisme. Et également mettre réellement les moyens pour lutter contre le rejet, l’exclusion, la pauvreté, la précarité, les discriminations.
Est-ce qu’un jour on mettra en place un système permettant d’endiguer le trafic d’êtres humains, la précarité, et toutes formes d’exploitations…?

Le monde qui existe et dans lequel nous vivons est celui que l’humain a créé, il ne tient qu’à lui-même de le changer pour que ça devienne un vrai monde, une unité ou toutes formes d’exclusions, d’exploitations, d’inégalités n’existent plus, la fin probablement de la course infernale à l’argent, de la croissance illimitée et de la destruction du monde habitable, animal et végétal.

Soyons abolitionnistes ! De ce système, de ce monde, du patriarcat, de l’hétéronormativité, du capitalisme, des religions, de l’élevage et des persécutions animales, de toutes formes d’intolérance, d’exploitation et d’esclavagisme. Détruisons-le, libérons-nous, afin de créer un monde égalitaire et solidaire.

Et n’oublions pas : dans les sociétés matriarcales, matrilinéaires, il n’y avait ni prostitution, ni aucune marchandisation du sexe, ni sexisme.
« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes » Article 4, de la déclaration universelle des Droits humains.
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#stopsexclavagisme

Florence Jacquet, survivante et féministe

A lire également :

« le féminisme est abolitionniste », 1ere partie

« Sortir du silence, se reconstruire », 2e partie