Le commerce indigne d’un simulacre de viol

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À Paris s’est ouvert en février 2018 un établissement proposant des mannequins féminins en silicone, destinés à  la masturbation. Des «poupées» sexuelles, stéréotypées et racialisées (petite asiatique menue, blonde à  gros seins!), qui rappellent aux femmes réelles ce que certains attendent d’elles : silence, passivité, soumission. Des élus communistes parisiens ont interpellé le 20 mars le Conseil de Paris pour obtenir la fermeture de cette « maison de jeux » (sa dénomination officielle) d’un nouveau genre. Leur requête a été rejetée.

L’idéal serait qu’elles n’aient pas d’âme, quoi, si on veut. Attention, ce que je veux dire, c’est que ce soit des poupées avec une mécanique extrêmement sophistiquée comme on voyait dans les films américains (!) C’est utopique ça, bien sùr. Je vais dire un truc très très grossier, on pourrait baiser avec une machine (!) Il n’y aurait aucun problème, il n’y a pas d’âme. C’est pas une âme vivante, c’est une machine.
Un « client » interviewé pour l’enquête L’homme en question. Le processus du devenir-client de la prostitution, dirigée par Saïd Bouamama, Ifar / Mouvement du Nid, 2004. Cité dansLes clients de la prostitution, l’enquête, Claudine Legardinier, Presses de la renaissance, 2006.

Avec ce « concept » originaire du Japon et déjà  implanté à  Barcelone et en Allemagne, une étape de plus est donc franchie dans la haine des femmes et la normalisation du viol. Voilà  la femme objet supplantée par l’objet. Les progrès de l’intelligence artificielle aidant, l’utilisateur va pouvoir pousser au maximum la ressemblance avec une femme de chair, rejouant un sordide fantasme de Pygmalion.

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Le jeune « entrepreneur » à  l’origine de cette initiative a obtenu un joli coup de pub’ : commercial passé par la vente de motos, de cigarettes électroniques et de lampadaires, il relance sa carrière en s’offrant son « quart d’heure de célébrité » sur le dos des femmes. Inoffensif? Non, car cet épisode navrant participe à  renforcer les roles assignés aux hommes et aux femmes dans le patriarcat : eux, des machos satisfaits d’une sexualité sans relation à  autrui ; elles, des objets sans droits ni paroles.

On ne peut s’empêcher de relever la concomitance entre la prise de parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles et la résistance infinie qui en est inséparable.

« Cafés pipes », poupées sexuelles, tout est fait pour leur rappeler leur vocation de toujours, que leurs exigences de sujets en quête d’égalité pourraient finir par leur faire oublier. Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe communiste – Front de gauche au Conseil de Paris, a dénoncé d’ailleurs une initiative qui véhicule une image dégradante de la femme[[Cette citation et la suivante proviennent de l’article « Paris : la maison close de poupées dans le collimateur de la police »,Le Parisien, Céline Carez, 19/03/18.]].

Loin de remplacer les vraies femmes et de leur éviter de subir les pulsions des harceleurs, violeurs ou prostitueurs, ces enveloppes factices n’auront jamais un rôle d’exutoire à  même de faire diminuer les violences réelles. Au contraire, comme dans la prostitution et la pornographie, sera confortée l’idée du sexe comme simple pulsion, de l’abolition totale de la relation à  l’autre, une version du viol « soft » dont la victime est forcément consentante : le chemin inverse de l’avancée civilisationnelle qui fait de la sexualité une expérience partagée. Lorraine Questiaux, déléguée départementale du Mouvement du Nid de Paris, dénonce un endroit qui génère de l’argent et où on simule le viol d’une femme.

L’expérience du bordel en silicone prendra-t-elle ? On peut en douter. Car une partie du plaisir du prédateur vient du fait qu’il goùte son pouvoir et sa domination. Avec une fausse femme, il aura vite fait le tour. Rien n’égalera jamais, selon nous, la soumission qu’il se croit en droit d’exiger d’une vraie.

Pour aller plus loin :
Campaign against Sex Robots