Activité légale, métier comme un autre… A Zürich, des associations de défense du « travail du sexe » s’offusquent du refus des autorités cantonales de donner aux réfugiées ukrainiennes des permis de prostitution.
« Les autorités zurichoises ont refusé d’accorder des permis de prostitution aux Ukrainiennes ayant un statut S qui en ont fait la demande », écrit le journal suisse Le Temps le 28 juin 2022. Le canton de Zürich aurait en effet reçu des demandes venant de réfugiées ukrainiennes « souhaitant » (les guillemets sont les nôtres) exercer la prostitution en Suisse.
En Suisse, la loi sur l’asile prévoit le statut de protection S, un accueil humanitaire temporaire qui a été activé en mars 2022 pour les personnes fuyant l’Ukraine, suite à la guerre menée par la Russie. Ce statut prévoit un accès possible au marché du travail.
Le « travail du sexe » étant théoriquement considéré en Suisse comme une activité légale, certaines organisations comme le réseau national de défense des intérêts des travailleuses et travailleurs du sexe en Suisse (ProCoRe), manifestent aujourd’hui leur colère devant le refus clair et net des autorités cantonales de Zûrich : « Le statut S permet aux cantons de protéger les personnes concernées d’une éventuelle exploitation. Un emploi dans le domaine du travail du sexe n’est pas compatible avec cette idée », a expliqué le service de l’économie zurichois.
Au moment où les autorités européennes et internationales lancent des messages d’alerte destinés à mettre en garde les réfugiées contre les risques d’exploitation par les proxénètes et trafiquants, les organisations censées défendre les « travailleuses du sexe » ne s’embarrassent pas de scrupules.
Le fait que les femmes migrantes soient les premières cibles des prédateurs et des réseaux criminels, dont ceux de proxénétisme, n’est pourtant plus un secret pour personne. La défense du « travail du sexe » atteint ici des sommets de cynisme. Sans sous-estimer la situation dramatique des réfugiées, est-il défendable de se débarrasser du problème en les reléguant dans des bordels ?
Cette affaire met à jour le malaise persistant autour du statut des personnes en situation de prostitution, y compris dans les pays qui affichent un prétendu libéralisme en la matière. Le « travail du sexe » n’est pas un travail comme un autre et ne le sera jamais, ne sera jamais un travail. La décision du Canton de Zürich en est une énième preuve.
A lire également : Suisse et prostitution, le COVID-19, un révélateur ?
Photo : Pauline Makoveitchoux