Révélations de Judith Godrèche : La « fille de 14 ans » enfin écoutée et entendue ?

1085

La prise de parole de Judith Godrèche est un événement majeur. Car à travers le vécu traumatique de l’actrice et réalisatrice, à travers l’évidence de la stratégie de l’agresseur entendue dans les propos de Benoît Jacquot qui a fait d’elle sa « compagne » ou plutôt proie sexuelle dès l’âge d’à peine 15 ans, la conspiration des oreilles bouchées du monde du cinéma français est enfin mise à mal.

Ce que l’actrice, la femme, aujourd’hui âgée de 51 ans, révèle avec force, intelligence et une grande dignité, c’est que des hommes, au cinéma, exploitent sexuellement des filles mineures, pour leur bon plaisir et pour asseoir leur notoriété.

Quand des réalisateurs utilisent des jeunes filles sexualisées pour l’excitation ou le plaisir du spectateur masculin… Pire, quand le réalisateur utilise le cinéma comme « couverture[[

Annonce

Selon les mots de Benoît Jacquot lui-même dans un documentaire de Gérard Miller

]]pour pouvoir coucher avec des mineures et se bâtir une réputation d’artiste, alors, le cinéma, même de fiction, se fait aussi proxénète et pornographe.

Si on a pu dire dans le passé de Benoît Jacquot – ou plutôt c’est lui qui le disait – qu’il avait « créé » Judith Godrèche, on comprend aujourd’hui que c’est lui qui, sans elle, n’était rien.

Mais il en aura fallu des années pour qu’elle soit entendue ! Si l’on y regarde de près, elle n’a pourtant jamais cessé de crier dans le désert sa souffrance : à 18 ans dans une première émission de télé, à 21 ans, à la sortie de son roman. Elle a parlé mais personne n’a entendu.

Jusqu’à ce début 2024 où enfin, le vent a tourné.

Sa parole découle aussi, d’autres paroles avant la sienne. Celle de Vanessa Springora, dénonçant l’emprise de Gabriel Matzneff alors qu’elle avait aussi 14 ans, dans son livre Le consentement ; celle d’Adèle Haenel, qui déjà, dénonçait l’emprise et l’agression de Christophe Ruggia, réalisateur qui sera bientôt en procès.

Quel soulagement ! Des femmes mûres, adultes, et qui s’adressent à « la fille de 14 ans » qu’elles ont été, comme à celles qui pourraient aujourd’hui être en danger, sont enfin prises au sérieux et entendues.

14 ans : Un parallèle avec la prostitution

Du point de vue de Prostitution et Société, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle. 14 ans, c’est aussi l’âge de nombreuses victimes dans des affaires de démantèlement de réseaux de proxénétisme de mineures. La fille de Jennifer Pailhé est la plus connue, elle dont le proxénète a écopé de 12 ans de prison. Mais tant d’autres sont achetées chaque jour par des « clients-prostitueurs » pédocriminels sans scrupule.

14 ans, parfois 13, parfois 15, ce serait donc l’âge charnière de la destruction des femmes par des hommes, vampires qui les dévorent, que ce soit pour leur « droit sexuel » (les « clients » prostitueurs), pour le profit ou pour leur ‘art’…

 

De Lolita de Nabokov à Chavirer de Lola Lafon [[Dans Chavirer (Actes Sud, 2020), Lola Lafon raconte le parcours d’une jeune danseuse de 14 ans prise dans les filets d’un proxénète]] pour la fiction, de la fille de Jennifer Pailhé à Judith Godrèche, pour la réalité, la fille de moins de 15 ans est la cible privilégiée des agresseurs, dans une société complaisante et proxénète. Cette société qui décrit l’une, mineure prostituée, comme « se prostituant », « vendant ses charmes », l’autre comme « séduisant » l’homme de 40 ans réalisateur qu’ELLE aurait mis sous emprise (c’est la défense de Benoît Jacquot face à Judith Godrèche).

Aujourd’hui, celles qui ont été ces jeunes filles victimes de 14 ans, se lèvent et parlent. Comme les victimes de prostitution, dont la parole est saisissante, comme vous pourrez l’entendre dans lepodcast qu’elles ont conçu et réalisé et qui sera bientôt disponible.

Peut-être qu’enfin, on va les écouter, elles aussi ?