Une tribune historique contre la prostitution filmée

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En cette fin d’année 2020, l’industrie de la prostitution filmée, qui semblait il y a encore quelques mois inattaquable,  est enfin désignée pour ce qu’elle est : une vaste entreprise de proxénétisme et prostitution filmée. Ses méthodes criminelles sont désormais internationalement dénoncées.

Lundi 21 décembre, une tribune est parue dans Le Monde, titrée « Les méthodes de l’industrie pornographique sont identiques à celle des réseaux de traite des êtres humains. » Initiée par trois associations, le Mouvement du Nid, Osez le féminisme ! et Les Effronté·Es, ce texte important, initialement titré « Pornographie » l’alibi de la haine, de la torture et du crime organisé », a été signé très largement. Vous pouvez le lire dans son intégralité ici, en français et en anglais Tribune Français 2112 / Tribune english 2112

La ministre de l’égalité femmes/hommes, Elisabeth Moreno, en est signataire. On espère désormais des mesures politiques contre les réseaux de prostitution filmée. Parmi les autres signataires politiques, Laurence Rossignol (ex-ministre et sénatrice PS), Laurence Cohen (sénatrice PC), Clémentine Autain (députée LFI), Albane Gaillot (députée), Sandrine Rousseau (EELV). Des survivantes de la traite de la prostitution / pédocriminalité ont également signé : Rachel Moran (Space intl), Rosen Hicher (Mouvement des survivantes), Alexine Solis, Maïté Lønne, Innocence en danger Belgique), de très nombreuses association féministes françaises et internationales, et des grands noms Gail Dines (autrice, Pornland), Robert Jensen, universitaire, Melissa Farley (Prostitution Research).

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Deux affaires en France qui devraient faire bouger les lignes en 2021

Les trois associations à l’origine de la tribune sont également celles qui avaient fait un signalement contre Jacquie et Michel en février, signalement qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire pour viols et proxénétisme à l’encontre de la société de diffusion de vidéos de prostitution filmée. Nous espérons qu’il y aura des suites prochaines dans cette affaire, que nous exposions ici.

En octobre, une seconde affaire éclatait, avec la mise en examen de quatre personnes pour viols, proxénétisme et traite d’être humain. Les célèbres producteurs Pascal OP et Mat Hadix font partie des mis en examen, le premier ayant même été placé en détention provisoire.

La publicité faite autour de ces deux affaires dans les médias a permis, expliquait Claire Quidet dans un communiqué le 19 octobre, « le début d’une réelle prise de conscience des violences perpétrées dans cette industrie », mais aussi la multiplication des témoignages qui sont parvenus à nos associations, qui se tiennent aux côtés des victimes.

Plusieurs témoignages essentiels sont parus dans la presse ces dernières semaines. La semaine dernière, c’était Amelia qui témoignait dans Mediapart, dans la seconde affaire : Amelia veut révéler l’envers du porno en France . En septembre, Karima témoignait elle dans 20 minutes dans l’affaire Jacquie et Michel : Ils m’ont salie, ils m’ont imposé des trucs que je ne voulais pas. 

L’affaire Pornhub

Aux Etats-Unis également, les lignes bougent. Après plusieurs mois de campagne contre Pornhub, le plus gros diffuseur mondial de vidéos pornos, appartenant à Mindgeek, c’est par le portefeuille que les tenants du site ont été touchés. Suite aux révélations dans le New York Times de l’existence de millions de vidéos de viols de mineures sur le portail, les sociétés Visa et Mastercard ont coupé la possibilité d’utiliser leurs moyens de paiement sur le site, ainsi que sur YouPorn, Redtube, XTube et Brazzers, appartenant également à Mindgeek. Pornhub a alors supprimé toutes les vidéos non vérifiées (soit plusieurs millions et une majorité de ce qui est sur le siteà) depuis 2007…et annonce qu’elles seront revérifiées début 2021. Un « ménage », on s’en doute, surtout destiné à faire taire les critiques.

En France comme aux Etats-Unis, la riposte de l’industrie ne s’est pas faite attendre. Elle tente de se « sauver » en annonçant des mesures de vérifications supplémentaires (comme si elles découvraient ce qui se passe en leur sein) ou des « chartes déontologiques » comme en France. On sait bien l’inutilité de ce genre de charte. Comme le dit Amelia dans son témoignage, c’est « mettre une couche de peinture sur de la merde ».