Prostitution et Société n°150 : la parole aux personnes prostituées

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Un numéro exceptionnel pour marquer la 150e livraison de Prostitution et Société.

note : ce numéro n’est malheureusement plus disponible. Sur ce site, vous trouverez de nombreux témoignages de personnes prostituées, dans notre rubrique Témoignages.

Annonce

Aujourd’hui, en France, de rares personnes prostituées parviennent à s’exprimer régulièrement dans les médias. Soutenues, voire formées à la prise de parole médiatique par des associations favorables à la normalisation et à la professionnalisation de la prostitution, elles défendent l’idée d’une prostitution libre et choisie, d’un métier comme un autre.

Au Mouvement du Nid, toutes celles que nous entendons, au quotidien, n’ont pas ce privilège.

Réduites au silence par la honte ou les menaces qui continuent de peser sur elles, leur parole, qui ne sert pas le libéralisme et ses profits, demeure totalement occultée. Elles ne peuvent pas parler, la société ne veut pas les entendre.

Depuis de longues années, nous publions leurs témoignages dans nos pages : des femmes en majorité, mais aussi des hommes, qui ont en général fait la démarche de nous contacter, mus par un désir profond, celui de changer de vie, d’échapper à l’enfermement. Ces personnes ont déjà entamé une démarche critique sur leur propre parcours, ont pris du recul, et c’est cette amorce de recul même qui ouvre l’espace de la parole.

Beaucoup témoignent du fait que tenir dans la prostitution exige de ne pas s’arrêter, de ne pas réfléchir.

Pour recueillir cette parole, notre démarche n’est pas celle du sociologue, notre outil ne tient pas de la grille d’entretien. Il s’agit d’une écoute journalistique à la différence qu’elle donne le temps, denrée qui manque en général cruellement aux médias. Ces entretiens, d’une durée de trois à sept heures, sont le garant de l’authenticité. Aux antipodes du voyeurisme et de l’audimat, notre écoute est fondée sur l’empathie, la confiance, l’absence de tout jugement.

Nous qui les écoutons longuement, qui recevons leur émotion, leurs larmes, leur colère, sommes frappés par la rage de dire, de témoigner, qui anime ces personnes qui connaissent ou ont connu la prostitution.

Leur prise de parole tient de la nécessité.
Toutes voudraient que leur expérience serve à d’autres, toutes enragent de ne pas pouvoir prendre la parole en public, tant le jugement social continue de peser sur elles ; elles, dont on fait des coupables, par une formidable inversion des responsabilités…

Bien souvent, ce qu’elles nous confient, elles ne l’ont jamais confié à personne. A qui peut-on dire que l’on est prostituée, auprès de qui peut-on prendre le temps de dérouler le fil entier de son histoire ?

Nous sommes fiers de présenter ici leurs témoignages.

Il nous semble d’ailleurs important de souligner à quel point sont grandes leurs capacités de résistance, leur force pour faire face à un quotidien plein de dureté, de méfiance, d’insultes, de violences.

Contrairement à ce que voudraient faire croire les partisans de la prostitution professionnalisée, nous ne les tenons pas pour de pauvres victimes misérables et passives, mais bien pour des femmes et des hommes d’une dignité impressionnante, riches de leur devenir.

Chacun des mots qui suivent pèse du poids de la vraie vie mais aussi d’un poids politique.

Pour nous, les rassembler répond à une nécessité : faire entendre cette parole occultée, en finir avec les mythes, les visions glamour de la prostitution, contribuer à la construction d’une société qui refuse de perpétuer cette forme de violence indigne d’une société moderne et démocratique.

Extrait de « La parole empêchée, la parole retrouvée« , un article de Claudine Legardinier paru dans le numéro 150 de Prostitution et Société.

Claudine Legardinier a recueilli la grande majorité des dizaines de témoignages publiés au fil des années dans Prostitution et Société.