L’« assistance sexuelle » une nouvelle fois retoquée

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CCNE-Assistance-sexuelleLe CCNE a réaffirmé que « l’assistance sexuelle » n’est pas compatible avec le cadre légal relatif à la prostitution mais renvoie à la sphère politique et législative

Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a donné réponse en juillet 2021 à  Sophie Cluzel. La secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées avait relancé la demande de création de services « d’assistance sexuelle » pour les personnes en situation de handicap. Sans s’y opposer frontalement, le CCNE rappelle la nécessité qui s’ensuivrait « de modifier le cadre légal relatif à la prostitution et donc de s’affranchir des principes éthiques qui s’y réfèrent », auxquels il déclare être « particulièrement attaché ». Il renvoie donc la décision à la sphère politique et législative.

Saisi par la secrétaire d’Etat dans une lettre du 2 février 2020, le CCNE a procédé à de nombreuses auditions entre novembre 2020 et mars 2021 : associations représentatives, professionnels accompagnants, « assistantes sexuelles » venues de pays étrangers… La présidente du Mouvement du Nid, Claire Quidet, et Grégoire Théry, alors porte-parole, figuraient parmi les personnes auditionnées.

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Le CCNE déja saisi en 2012

Le CCNE rappelle en préambule avoir déjà été saisi en 2012 sur cette question (avis 118) et avoir émis « un avis réservé sur la création de l’assistance sexuelle, au nom du principe de non marchandisation du corps, estimant difficile d’admettre l’assistance sexuelle comme un droit-créance relevant d’une obligation de la société ».

Le Comité avait bien insisté sur la souffrance suscitée par l’isolement et rappelé que « faire toute leur place à ces personnes est une affaire collective dont chacun porte la responsabilité », mais il avait conclu : «  Il ne peut être considéré comme éthique qu’une société instaure volontairement des situations de sujétion même pour compenser des souffrances réelles. »

La réponse rendue neuf ans plus tard n’est guère différente. Le CCNE, qui souligne que « les personnes handicapées ne sont pas les seules personnes privées de sexualité ou rencontrant des difficultés pour entretenir des relations affectives », estime aujourd’hui que « l’effectivité d’un accès à la vie relationnelle et intime ne se heurte pas à un obstacle éthique en soi » mais il y met une condition : « s’il ne met pas en jeu le corps d’autrui ». Le Comité tient à opérer « une distinction claire entre  aide sexuelle et accompagnement à une vie affective et sexuelle ».

« La relation de la personne handicapée et de l’aidant sexuel peut effectivement être assimilée à de la prostitution et la mise en relation de ces deux personnes à du proxénétisme, au regard de la loi. Le CCNE, dans l’avis 118, avait déjà considéré que la « vigilance s’impose lorsque le corps d’un professionnel est mis en jeu pour des contacts intimes ». En revanche, l’absence d’implication du corps de la part du professionnel serait une forme d’accompagnement et non d’aide active à la sexualité.

« Favoriser l’interrelation »

Pour lui, des avancées pourraient donc être envisagées hors de l’utilisation sexuelle d’une tierce personne. Se déclarant non favorable à l’utilisation de « robots sexuels » qui « véhiculent la plupart du temps des représentations sexistes », il propose une sensibilisation des personnels des établissements et une réflexion collective en leur sein, afin d’accompagner les personnes handicapées à exercer elles-mêmes leur vie affective et intime.

Des groupes de parole et des formations seraient à mettre en place, par exemple pour une mission d’accompagnement consistant en un rapprochement des corps de personnes en situation de handicap « pour une relation consentante et gratuite ». Il pourrait s’agir d’un « service réglementé au niveau national ». Pour ce qui est de l’intervention d’une tierce personne prodiguant un « service sexuel », le CCNE renvoie donc aux principes éthiques qui régissent la loi française sur la prostitution ; des principes qui excluent la possibilité d’un tel recours.

La position du CCNE est donc centrée, comme précédemment, sur l’urgence de «  favoriser l’ouverture aux autres et l’intégration des personnes handicapées dans la société, afin de rompre leur isolement. » Il appelle à intensifier la politique de santé publique qui s’y rapporte, « non seulement par un engagement plus signifiant de l’État, mais aussi par un regard différent porté par la société ». Priorité, donc à tout ce qui pourra « favoriser l’interrelation », l’inclusion et la participation sociale. C’est, laisse entendre le texte, le meilleur chemin pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à des relations amicales, affectives mais aussi sexuelles.

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