Mondial de football et prostitution : les politiques ont pris position

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Le 29 mai 2006, à la veille du Mondial de football organisé dans douze villes allemandes du 9 juin au 9 juillet, une conférence de presse se tenait au Sénat. Elle réunissait des personnalités politiques de tous bords, et des militants d’associations, dénonçant la traite et plus largement la prostitution. Rendez-vous a été pris ce jour-là pour l’ouverture d’un large débat en France sur la question de la pénalisation du « client ».

Autour de Malka Marcovich, présidente pour l’Europe de la Coalition contre la traite des femmes (CATW) à l’origine de la pétition qui a recueilli 100 000 signatures, et de Sabine Salmon (Femmes solidaires), étaient réunis Marianne Eriksson, ancienne députée européenne (Suède) et cinq personnalités des principales formations politiques françaises : Dominique Voynet, sénatrice Verts, Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF[À lire également : [.], Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS pour les droits des Femmes, Didier Bariani, vice-président de l’UDF, et Roselyne Bachelot, secrétaire nationale adjointe de l’UMP. Une première que cette union politique pour dénoncer la traite mais aussi, plus largement, la prostitution.

Ouvrant les débats, la Suédoise Marianne Eriksson, en égrenant les prises de position des parlementaires mais aussi des footballeurs suédois contre la prostitution au Mondial, a montré un pays très en avance au plan des mentalités. Quelle société voulons-nous pour nos enfants ? Voulons-nous qu’ils entrent dans le système prostitutionnel, soit comme prostitué-e-s soit comme acheteurs ? Si la réponse est non, il faut des mesures politiques a-t-elle affirmé en invitant la France à rejoindre la Suède en votant une loi de pénalisation des clients.

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Des réflexions plurielles sur les combats à mener, tant économiques que politiques et culturels

Marianne Eriksson, pour qui les trafics et la prostitution, c’est la même chose, chaque prostituée est trafiquée, la traite est universelle et indissociable de la prostitution, a mis en avant les résultats de la loi suédoise, une diminution de la prostitution et de la traite.

De son côté, Marie-George Buffet s’est dit désireuse de prendre des initiatives à l’Assemblée Nationale, même sans avoir atteint la parité. Dénonçant l’invisibilité de la violence et de la traite aux portes de nos villes, elle a avancé la nécessité de deux combats un pour les femmes et pour leurs droits, l’autre pour une certaine idée du sport.

On connaissait les marchés connexes du foot, les ballons, les tee-shirts. Aujourd’hui le produit dérivé est le corps des femmes. a déclaré Laurence Rossignol en précisant hélas ne pas être mandatée par l’ensemble du Parti socialiste.

Le débat, houleux, traverse en effet le Parti socialiste, dont certains membres demandent une loi pénalisant les clients. En ce qui la concerne, la déléguée aux droits des femmes y est favorable et se dit pour un abolitionnisme plus offensif. Lorsqu’on élève un petit garçon, a-t-elle indiqué,on lui dit : il n’est pas bien de copier sur son voisin, de régler ses différents à coup de poing. On ne lui dit pas qu’il n’est pas bien d’acheter un corps de femme. Le problème, c’est l’éducation.

Le lobby des proxénètes : un puissant « virus anti-démocratique »

Dominique Voynet, des Verts, a souligné que la parole dans les médias de quelques icônes ravies de se prostituer cache l’immense majorité des femmes qui sont poussées par la guerre, la misère et la violence.

Elle a décrit le marketing cynique et la vulgarité du gérant du bordel Artémis, un homme qui méprise les femmes, méprise ses « clients » et se méprise lui-même et affirmé son opposition à toute réglementation hygiéniste, cause d’une augmentation en flèche de la traite. Dominique Voynet a terminé en regrettant que Zinedine Zidane n’ait pas répondu à l’interpellation de l’association Femmes Solidaires (dans son journal Clara Magazine) et a suggéré de se tourner vers les femmes des joueurs…

Pour l’UDF, Didier Bariani n’a pas hésité à parler de viol collectif planifié. Ce passionné de football, qui a affirmé la position abolitionniste de son parti, a appelé la FIFA à rompre son mutisme et sa complicité passive. Rappelant que la Fédération internationale de football a dédié cette coupe du monde à la lutte pour les droits de l’enfant, pour la paix et contre la discrimination et qu’elle diffuse des messages contre le racisme et la violence, il a indiqué qu’il était de son devoir de dire que l’exploitation du corps des femmes est aussi insupportable que la violence et le racisme.

Sur le terrain, les passes virtuoses des plus grands joueurs de la planète, sur le trottoir les passes sordides des esclaves modernes a résumé Roselyne Bachelot dans un texte lu par sa représentante. La députée UMP, qui a condamné la légalisation de la prostitution et son effet d’encouragement sur la traite, a également présenté la prostitution comme une agression faite aux hommes, vus comme des violeurs virtuels. En les incitant à faire entendre leur voix, elle n’a pas manqué au passage de brocarder le président de la Fifa qui, en invitant les hommes à ne recourir qu’à des services « volontaires », ne fait selon elle que clamer : Esclaves volontaires, levez le doigt!

Intervenant depuis la salle, l’ancienne ministre aux droits des femmes Yvette Roudy (PS) a déclaré : 

Le lobby des proxénètes est puissant. Il a empoisonné les couloirs du Parlement Européen et des instances internationales. Il a infesté nos propres institutions. C’est un virus anti-démocratique.

Toutes les intervenante–s ont exigé la fermeture des bordels et sont tombées d’accord pour qu’un large débat s’ouvre en France sur la question de la pénalisation des clients de la prostitution.

Pétition Mondial de Football : plus de 130000 signatures… et des silences pesants

Retour sur la pétition internationale lancée par la Coalition contre le trafic des femmes (CATW), Acheter du sexe n’est pas un sport ; non à l’organisation de la prostitution durant la Coupe de Monde de Football.

Toute la presse en a parlé. Journaux, radios, télés ont évoqué le McDo-du-sexe berlinois destiné à accueillir 650 hommes par jour ainsi que les box semblables à des toilettes publiques pour les services sexuels express. C’est d’ailleurs le premier mérite de cette pétition : donner pour la première fois une visibilité médiatique à un sujet auparavant occulté, l’exploitation sexuelle des femmes liée aux grandes manifestations masculines, notamment sportives.

Du côté des sportifs, on note un silence pesant, récemment rompu par le seul Raymond Domenech. L’entraîneur de l’équipe de France n’a pas eu peur de se dire choqué qu’on puisse parler de femmes comme ça, comme des esclaves ou du bétail.

Le football, ce n’est pas ça, a-t-il heureusement rappelé.

La Fifa, en revanche, a fait savoir qu’elle n’était pas responsable de ce qui se passait hors des stades. La Fédération juge légitime la lutte contre le racisme mais n’estime apparemment pas répréhensible l’esclavage sexuel des femmes pour le bon plaisir des supporteurs.

Des sportifs, ou plutôt des sportives (Lilian Thuram est l’un des seuls hommes à s’être exprimé) signent à titre individuel. Citons notamment Annie Fortems, présidente de l’association « Les pionnières du football féminin » qui voit dans le silence de la Fifa la triste preuve, s’il en fallait, que le sexisme et le mépris des femmes a la peau dure dans l’univers du ballon rond.

Du côté des politiques, saluons entre autres la signature de Ségolène Royal (PS), Marie-George Buffet et Nicole Borvo (PCF), Yvette Roudy, ancienne ministre au droits des femmes (PS), Dominique Voynet (Les Verts), Françoise de Panafieu (UMP), Nicole Fontaine, ancienne présidente du Parlement Européen.

Une représentation de l’échiquier politique qui montre mieux qu’un long discours la transversalité de la question de la prostitution et de la traite et souligne la sensibilité des femmes sur un sujet qui continue de laisser froid un grand nombre de nos élus hommes. Au masculin, on note les signatures de Bertrand Delanoë (PS) et de Didier Bariani (UDF).

Enfin, parmi les ONG françaises, on relève, aux côtés du Mouvement du Nid, le Collectif féministe contre le viol, le Planning familial, Attac France, Mix-Cité Paris, les Chiennes de Garde, l’Alliance des femmes pour la démocratie, Femmes solidaires, l’UFCS (Union féminine civique et sociale), la Fasti (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés), etc. Fadela Amara, présidente de Ni Putes Ni Soumises, a signé en son nom propre.