Allemagne : une innovation, les horodateurs à prostitution

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200 000 euros par an à la clé. La ville de Bonn, en Allemagne, se frotte les mains d’avoir eu une aussi bonne idée : installer des horodateurs où les personnes prostituées devront verser leur obole, soit six euros par nuit.

En 2010, Dortmund avait d’ores et déjà instauré une taxe de 8 euros quotidiens pour financer un « Pass » donnant le droit de faire le trottoir. En Allemagne, quand les caisses sont vides, le réflexe est de soutirer de l’argent aux prostituées. Avec cette idée de parcmètre, inédite, la ville va pouvoir, au sens propre, relever les compteurs.

Valable de 20 heures à 6 heures du matin, ce ticket forfaitaire est indépendant du nombre de « clients ». On imagine en effet que le calcul aurait été compliqué. Autant faire simple donc. En cas de fraude, les femmes prostituées recevront un avertissement, puis seront passibles d’une amende.

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La ville estimant à environ 200 le nombre de femmes exerçant leur activité dans les rues de l’ex capitale de l’Allemagne de l’Ouest – avec en moyenne une vingtaine de « régulières » -, elle a fait ses calculs ; et choisi de faire peser cet impôt arbitraire sur les femmes déjà soumises à la précarité et à la violence des « clients » prostitueurs et des proxénètes.

La porte-parole de la ville de Bonn, Monika Frömberg, a expliqué au Süddeutsche Zeitung que les femmes qui travaillent dans des maisons closes paient aussi cette taxe. Mais il était difficile jusqu’à présent de faire payer les femmes de la rue. Grâce à cette nouvelle méthode, nous pourrons les taxer de manière équitable, a-elle ajouté. Equitable : on goùtera le terme. La porte-parole a en effet précisé que la plupart des travailleuses du sexe ne parlaient pas assez bien l’allemand pour remplir une déclaration d’impôts.

Faut-il traduire ? Etrangères, isolées, contrôlées par des réseaux, ces exclues d’entre les exclues sont dans l’impossibilité de faire les démarches pour bénéficier du prétendu statut protecteur garanti par la loi allemande de 2002. De multiples preuves montrent que l’immense majorité des personnes prostituées ne se font pas enregistrer auprès des autorités et ne sont pas disposées à être étiquetées comme prostituées, à se soumettre aux cadences exigées par les patrons de « maisons » et à payer les impôts liés à ce statut. L’échec étant patent, les autorités tentent de colmater le manque à gagner par tous les moyens.

Amendes, PV, taxes, agressions, les prostituées sont décidément en première ligne. Des prospectus traduits dans plusieurs langues leur ont été remis afin de les informer de la nouvelle règle. On peut se demander pourquoi les autorités ne prendraient pas la peine de distribuer des prospectus « en plusieurs langues » pour les aider à échapper à leur condition.

Mais comment en serait-il ainsi dans un pays qui a dépénalisé le proxénétisme pour libéraliser le très rentable marché aux femmes, et perçoit uniquement les prostituées comme des sources de revenus renouvelables à l’infini ? Pendant ce temps, les clients prostitueurs, à l’abri des taxes et de la stigmatisation, continuent de faire tranquillement leur «marché». Avec la bénédiction de l’état proxénète.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.