Clients, vous êtes filmés !

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C’est la mention que porte un panneau d’affichage à  la lisière de la forêt de Sénart, en Essonne. Une caméra de surveillance est là  pour dissuader les clients et leur rappeler qu’ils sont désormais passibles d’une amende de 1.500 €.
Un changement de regard inédit dans un pays où tant de voix s’élèvent encore pour protéger cet archaïque « droit de l’homme »! Mais une initiative qui ne peut fonctionner qu’à  la condition de ne pas oublier le volet social de la loi, apparemment beaucoup plus long à  mettre en place.

A 3 m de haut, une caméra au bout d’un grand mât. Telle est la réponse du moment à  la colère des habitants de la commune de Tigéry face au développement de la prostitution dans la forêt et à  proximité des écoles. Une police municipale doit également être créée en novembre dans le but de prendre le problème à  bras le corps.

La préfecture, la gendarmerie! Les administrés ont tiré toutes les sonnettes d’alarme. Les maires des villes bordant la forêt (Etiolles, Quincy-sous-Sénart et Tigery) se sont défendus, rappelant les opérations de verbalisation déjà  menées contre des clients. Ils ont d’ailleurs eux-mêmes interpellé le ministère de l’intérieur afin d’obtenir « des mesures rapides et efficaces ».

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Changement d’époque, changement des mentalités

La loi du 13 avril 2016 leur donne aujourd’hui deux leviers : la poursuite des proxénètes, inchangée, (des habitants disent voir des hommes déposer les jeunes femmes sur les lieux de prostitution) et maintenant celle des clients. C’est ainsi qu’est apparu le panneau inédit, puisque les personnes prostituées, qui ont cessé d’être les coupables, sont désormais à  l’abri de la répression.

On peut discuter du bien fondé d’une caméra, le but de la loi n’étant sans doute pas d’établir un système de surveillance et de délation. Mais le fait mérite d’être relevé en ce qu’il signe un changement d’époque. Depuis des siècles, les femmes prostituées ont été montrées du doigt, méprisées, arrêtées, insultées ; leurs clients n’étant que des fantômes innocents, à  l’abri de toute responsabilité et de tout compte à  rendre.

Un volet social indispensable

Ce changement de regard et de mentalité n’est qu’un début. Pour le moment, les jeunes femmes n’ont fait que reculer de quelques centaines de mètres et les clients vont en faire autant. Tant que n’est pas mis en œuvre le volet social qui compose le socle de la nouvelle loi, seul à  même d’offrir à  ces dernières une alternative et un autre avenir, la « solution » du moment ne fait une nouvelle fois que repousser le phénomène.

C’est là  que le bât blesse. Si les commissions départementales en charge des parcours de sortie prévus par la loi sont en cours de constitution, il semble que bien des freins en retardent la mise en place. Nous ne manquerons pas d’en commenter les évolutions et les résultats. Seule une issue pour les personnes prostituées pourrait constituer un commencement de solution de fond. Affaire à  suivre, donc.

Avec une caméra et une police municipale, Tigery déclare la guerre à  la prostitution / Le Parisien

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.