Le Conseil constitutionnel valide la pénalisation des « clients »

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Excellente nouvelle pour les abolitionnistes. Ce 1er février 2019, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision très attendue. Oui, dépénaliser les personnes prostituées et porter la charge pénale sur les « clients » prostitueurs est bien conforme à  la Constitution. La loi du 13 avril 2016 « visant à  renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à  accompagner les personnes prostituées » se voit ainsi puissamment confortée par les plus hautes instances de l’Etat. Il reste maintenant à  accélérer sa mise en œuvre.

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC), posée au Conseil d’Etat par neuf associations dont Médecins du monde, le Syndicat du travail sexuel (Strass) et cinq « travailleurs du sexe », transmise en novembre au Conseil Constitutionnel, mettait en cause une éventuelle atteinte au droit à  la vie privée et à  la liberté d’entreprendre. Ces griefs ont été rejetés.

« En faisant le choix de pénaliser les acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l’asservissement de l’être humain »écrit le Conseil constitutionnel qui rappelle que « dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à  la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite ». L’argument voulant que la loi de 2016 soit une « loi morale » est ainsi balayé de même que celui qui touche « la liberté d’entreprendre » : la prostitution n’est pas une prestation de service, elle ne relève pas strictement de la « vie privée » et tous les commerces ne sont pas licites, quoi qu’en disent les requérants.

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Cette décision d’une importance majeure survient au terme d’une forte mobilisation abolitionniste : tribunes dans la presse, signées par des personnalités d’envergure, auditions comme celle du 22 janvier où parmi 17 avocat.e.s, Maître Lorraine Questiaux a défendu l’idée que « renoncer à  ses droits fondamentaux n’est pas une liberté » car « ils sont inaliénables et universels ».

Cette décision du Conseil Constitutionnel revient à  graver dans le marbre la loi de 2016, tellement chahutée par des adversaires partisans d’une vision ultra libérale du « travail du sexe ». On ne peut que s’en réjouir avec toutes les associations féministes et abolitionnistes.

Osez le Féminisme, dans un communiqué commun avec le Mouvement du Ni , dit ainsi son soulagement de ne pas voir inscrit dans la Constitution le fait de proposer« aux plus précaires, aux plus vulnérables, de se transformer en produits de consommation de viol tarifé pour ceux qui ont le pouvoir de l’argent ». [De son côté, le HCE, Haut Conseil à  l’Egalité, se félicite que soit posé « un interdit clair de l’exploitation de la précarité, dont la prostitution est l’une des illustrations les plus violentes » ; décision qui « contribue à  construire une société de l’égalité formelle et réelle entre les femmes et les hommes. »â€¨

Rappelons le, encore et toujours. Ce n’est pas la loi qui met en danger, abîme et tue les personnes prostituées. C’est la prostitution, ce concentré de harcèlement sexuel et de violences. Tout doit être engagé pour la remiser au rayon des vieilleries indignes d’une démocratie soucieuse d’égalité. La loi de 2016 est un facteur majeur pour prendre la bonne direction. Et le travail a été engagé. Depuis près de 3 ans, plus de 3000 « clients » ont été interpellés et plus de 130 personnes ont bénéficié d’un parcours de sortie, donc d’un meilleur accès au droit, à  la formation et au logement. Il faut poursuivre l’effort. Résolument. Car il n’y a pas de « travail » du sexe mais une entreprise de démolition physique et psychique qui ne peut en aucune manière être défendue comme un avenir possible pour les femmes et les filles, en France et dans le monde entier.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.