Rosen au bout du chemin : à Paris, mobilisation rime avec abolition

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Des médias, des personnalités politiques, des associations, tous étaient au rendez-vous pour accueillir Rosen au terme de ses 800 km de marche pour l’abolition… mais aussi des « survivantes », combattantes comme elle, et qui commencent à oser braver la peur de parler à visage découvert.

En pleine forme… mais en manque de pas !. Voilà comment s’est sentie Rosen au lendemain de sa marche, forte du rassemblement sans précédent qu’elle a suscité en arrivant à Paris le dimanche 12 octobre 2014, au terme de son marathon abolitionniste entamé à Saintes. Le même jour, à point nommé, le Journal du Dimanche publiait une tribune signée par deux cents maires et éluEs engagés pour l’abolition.

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Une femme, seule, a donc réussi le tour de force de provoquer une importante mobilisation politique et médiatique, de rassembler 300 personnes devant le 22 rue du Colisée, où elle a connu son premier lieu de prostitution, de réunir des députées (Maud Olivier, Sandrine Mazetier) des sénatrices (Brigitte Gonthier-Maurin, Laurence Cohen), des secrétaires d’Etat (Pascale Boistard, Laurence Rossignol), la représentante de la maire de Paris Anne Hidalgo (Hélène Bidard), le fondateur du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon, et des représentantEs des soixante associations d’Abolition 2012… Les soixante personnes qui ont accueilli Rosen à la Porte d’Orléans étaient cinq cents pour le rassemblement organisé place St Philippe du Roule. Et les radios, presse et télés non stop (je n’avais pas mesuré qu’il se passerait tout ça ! a confié Rosen) venaient couronner ses 800 kilomètres couverts un pas après l’autre pour dénoncer la violence prostitutionnelle, demander le vote de la proposition de loi abolitionniste et donc la pénalisation des «clients ».

Mais ce qui l’a sans doute le plus émue, c’est de voir se joindre à elle d’autres « survivantes » : six femmes venues de Strasbourg – Dochka, Salematou, Ader, Sandrine, originaires de France, de Bulgarie, de Russie, du Nigéria, et deux femmes anonymes –, accompagnées par des militantes de la délégation du Mouvement du Nid, et trois autres femmes, venues seules lui apporter leur soutien. Pour la première fois, poussées par le charisme de la marcheuse, ces femmes ont trouvé le courage de monter sur l’estrade et même de se montrer, malgré les caméras, à visage découvert (non sans avoir débattu d’abord pour décider si elles porteraient ou non un masque). Geste fort, ces «combattantes», comme elles se sont intitulées, venues à Paris grâce à la solidarité de leur entourage, ont remis à Rosen un livret avec des témoignages d’encouragement d’éluEs du Bas-Rhin, d’associations et de citoyenNEs ainsi que leur lettre de soutien.

En ce dimanche, le destin avait apparemment décidé de leur donner un coup de pouce. Car c’est par hasard, avant même le rassemblement, que Rosen et les femmes de Strasbourg se sont trouvées nez à nez. En les voyant avec leur panneau On marche avec Rosen, celle-ci a fondu en larmes. Ces larmes, elles étaient bien placées pour les comprendre, puisqu’elles en parlent aussi dans les textes qu’elles ont écrits pour elle et où elles décrivent tout le mal que la prostitution leur a fait : Nous aussi on existe et on est de tout cœur avec toi. Elles disent la peur, si elles parlent en public, de mettre en difficulté leur famille, leurs enfants, et leur détresse de se sentir condamnées à vie. Elles décrivent les pleurs, la peur, les envies suicidaires, la perte de leur santé et évoquent même, pour certaines, la perte de leur vie. Elles disent leur espoir, comme Rosen, de voir une loi améliorer le sort des personnes en situation de prostitution et faire reculer l’esclavage sexuel. Voter la loi pour la pénalisation des clients, c’est protéger nos enfants. La société doit permettre d’avoir les moyens d’en sortir sans avoir besoin de l’argent des clients, écrivent-elles.

Rosen a mérité un peu de repos mais n’a pas dit son dernier mot. Car elle a conquis Paris mais n’a pas obtenu de date ferme pour le vote de la proposition de loi au Sénat. Il reste qu’au cœur d’un débat particulièrement polémique, la justesse de son combat contre l’esclavage sexuel semblent lui avoir épargné les attaques. J’ai été surprise de n’avoir reçu que des encouragements, dit-elle, ajoutant qu’elle a eu le sentiment, au cours de ces six semaines, que les idées avançaient en même temps que ses pieds avalaient les kilomètres…

Maires et conseillers municipaux s’engagent pour l’abolition de la prostitution

Dans un appel publié dans le JDD du 12 octobre, Anne Hidalgo (maire de Paris), Johanna Rolland (maire de Nantes), Roland Ries (maire de Strasbourg), Jean Rottner (maire de Mulhouse), Serge Grouard (maire d’Orléans) et deux cents autres maires et conseillers municipaux de tous partis demandent une adoption rapide de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Comment éduquer nos enfants dans l’égalité entre filles et garçons si les hommes peuvent exploiter la précarité des femmes pour leur imposer un acte sexuel par l’argent ?. Que fait l’Etat pour aider ces personnes prostituées, souvent très jeunes et d’origine étrangère, dont la détresse est évidente ? demandent-ils entre autres.

Pour ces éluEs, seule une politique publique globale et cohérente permet de répondre durablement aux enjeux posés par la prostitution et la traite des êtres humains. A l’heure où la prostitution est mondialisée et où les réseaux proxénètes se jouent des territoires et des législations, aucune commune n’est en mesure d’apporter seule une réponse satisfaisante. Saluant l’adoption par l’Assemblée nationale, à une large majorité, d’une proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et esquissant, pour la première fois en France, les contours d’une politique publique globale et cohérente, ils disent leur attente d’un vote définitif et d’une volonté politique à même de décliner concrètement les mesures utiles sur les territoires.

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