Judy, Lola, Sofia et moi

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De prime abord, difficile d’avoir envie de lire ce livre, sans être décontenancé·e par les contradictions de l’auteur. D’un côté, il se dit sympathisant du féminisme, de l’autre, il consomme du porno misogyne. De même, il affirme que la violence sexuelle est intrinsèque à  la pornographie (exploitation sexuelle filmée) mais déclare qu’il faut l’encadrer. Une fois dépassée l’appréhension initiale, on découvre une enquête informative et édifiante sur le milieu du « porno » français dit amateur, dominé par l’entreprise Jacquie & Michel. La lecture en est néanmoins très difficile, au vu de l’extrême violence qui y est décrite.

Les quelques « actrices » avec lesquelles l’auteur parvient à  se lier sont toutes en situation de fragilité : pauvreté, addiction, enfance difficile et violente, maladie mentale, idées suicidaires etc. Certaines se prostituent. On est loin du stéréotype de la star du X qui fait fortune.

En tant qu’homme, l’auteur est parvenu à  glaner les confidences misogynes des acteurs, réalisateurs et producteurs (les hommes du milieu sont généralement polyvalents ; sans surprise, ils contrôlent et dirigent l’industrie, pas les femmes). On comprend qu’ils n’ont que mépris pour les « actrices » qui pourtant nourrissent leur business : ils les affublent de termes aussi valorisants que connes, discount, Cosettes, cassos ou low-cost.

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Les actrices, de la chair à  canon

Pire, les femmes les plus fragiles, celles qui ont le plus de difficultés à  mettre des limites, sont aussi les plus méprisées et les violentées. Les hommes du milieu ont parfaitement conscience des difficultés qu’elles rencontrent mais s’en moquent complètement : Les actrices, c’est de la chair à  canon. Elles sont complètement englouties dans une détresse affective. Et c’est des victimes. Mais t’es victime dans le « porn » comme t’es victime de faire caissière au Franprix. Moi j’ai pas de pitié pour les victimes. Si t’es perdue, t’es perdue.

Pour les hommes évoluant dans ce milieu-là , la pornographie peut aussi être un moyen de prendre une revanche face aux conquêtes du féminisme : Avec le X, Célian a trouvé un univers où la domination masculine est glorifiée. Un espace où il n’a plus à  contenir sa frustration. Il n’y a pas de « balance ton porc » qui tienne dira l’auteur à  propos d’un producteur, adepte des idées masculinistes, celles des incels et d’Alain Soral.

Absence de consentement et manque de choix prédominent

Alors que l’on invoque sans cesse la notion de «consentement» pour défendre la « pornographie », c’est au contraire la contrainte et le manque de choix qui prédominent dans ce milieu, et ce, à  divers niveaux. On peut penser à  Judy qui souhaiterait arrêter la prostitution et la pornographie mais ne peut pas, par besoin d’argent.

À Lola, obligée de multiplier les pratiques les plus extrêmes pour pouvoir continuer à  tourner après 5 ans passés dans le milieu. À Sonia, contrainte de subir un bukkake atroce avec 30 hommes (la scène décrite par l’auteur relève du viol collectif), car elle sait que les refus peuvent conduire à  la fin de sa «carrière» ; manifestement, elle n’arrive pas à  envisager sa vie en dehors du porno.

Même le plus «gentil» des producteurs, John B. Root, impose à  une actrice une sodomie, malgré ses refus répétés. Et tout cela, c’est sans parler du fait qu’il est banal que les producteurs ne préviennent pas les «actrices» des pratiques et du nombre de «partenaires» qu’elles devront subir.

A la fin de l’ouvrage, l’auteur s’interroge : pourquoi n’y a-t-il pas eu de #MeToo dans le X ? Pourquoi les femmes du milieu n’en dénoncent t-elles pas les violences massives ? Pourquoi un « non » dans le porno n’est-il jamais entendu ? Sa réponse est la suivante : la contrainte sexuelle fait implicitement partie du contrat. C’est la condition indispensable pour bosser.

Ainsi, malgré lui, l’auteur partage les conclusions des abolitionnistes : à  travers cette enquête, on comprend que la violence sexuelle est consubstantielle à  la pornographie.

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