La prostitution n’est pas un choix et les clients pas des Brad Pitt

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Des survivantes, témoignent en 2014 de leur expérience de la prostitution et des « clients » lors d’un colloque à l’Assemblée nationale L’AFP publie alors une dépêche. 

J’étais une machine qui servait au divertissement des autres, je n’étais plus rien, je ne valais rien. Plusieurs « survivantes » de la prostitution, françaises et étrangères, ont raconté mercredi leur expérience à Paris.

 

Annonce

A 18 ans, Vednita Carter ne s’est pas méfiée. On nous disait qu’on pouvait gagner jusqu’à 1 000 dollars par semaine. Cette femme noire américaine du Minnesota voulait aller à l’université et, pour payer les frais, a répondu à une petite annonce pour faire de la danse. Mais, ensuite, on m’a demandé d’enlever le haut et le bas: le striptease est la première marche vers la prostitution, dont elle mettra un an à sortir.

Invitée par la Coalition internationale pour l’abolition de la prostitution pour un colloque à l’Assemblée nationale, cette femme d’une cinquantaine d’années préside aujourd’hui une association qui aide les prostituées à s’en sortir, et l’affirme : La violence intrinsèque de la prostitution, c’est d’avoir une multitude d’actes sexuels chaque jour avec des personnes qu’on ne connait pas et qu’on n’a pas choisi.

Expérience insoutenable

Laurence Noëlle, 46 ans, ne la contredit pas. Cette Française prostituée à l’âge de 16 ans, dans la célèbre rue Saint-Denis à Paris par un réseau de proxénètes, avait jusqu’à 30 clients par nuit, une expérience insoutenable. J’en suis sortie il y a 29 ans, mais rien n’a changé. Les recruteurs, les rabatteurs de réseaux, viennent trouver les jeunes filles en fugue, paumées, à qui ils font miroiter fausse protection et fausse affection, dit-elle.

Si quelqu’un m’avait dit en classe « voilà ce qui peut t’arriver », je n’aurais pas été piégée, affirme cette mère de famille aujourd’hui thérapeute, plaidant pour plus de prévention et déplorant une méconnaissance de la réalité. La prostitution ce n’est pas « je gagne de l’argent avec des Brad Pitt, avec des beaux mecs ».

A lire également : « nous qui avons connu la prostitution et qui en sommes sorties, nous ne voulons pas que nos « clients » restent impunis.

Jamais un choix

Pour elle, comme pour Rosen Hicher, 57 ans, qui a marché 800 km à travers la France pour réclamer l’abolition de la prostitution, se vendre n’est jamais un choix. Bien sùr, quand on est dedans, on affirme toutes le contraire, pour survivre, reconnaît Rosen, tombée dans la prostitution après la perte de son emploi en 1988 et pour 22 longues années.

Moi aussi, je disais, les gens sont stupides de travailler 40 heures par semaine, moi je ne travaille que 12 heures, et j’ai tellement d’argent…, renchérit Tanja Rahm, visage poupin et longs cheveux châtains, qui a vendu son corps pendant trois ans, au Danemark, sans proxénète.
Mais j’étais une machine qui servait au divertissement des autres, dit-elle, expliquant que beaucoup de prostituées victimes d’un passé de violences, d’agressions sexuelles et de viols pensent qu’elles ne valent rien, n’ont pas le choix, et ne peuvent faire que ça.

Clients : De l’argent pour nous violer

Certaines femmes se persuadent qu’il n’y a pas de problème car elles n’ont pas d’autres alternatives, ajoute Fatima Khatoon, membre de la caste Nat, l’une des plus discriminées d’Inde, où les jeunes filles sont vouées à la prostitution. Vendue à neuf ans à des proxénètes, elle a eu six enfants au sein du bordel qui l’exploitait. Même si on nous donne de l’argent pour nous violer, cela reste un viol.

Pour l’Irlandaise Mia de Faoïte, 43 ans, qui a commencé pour payer sa drogue, il y a une différence entre choisir ce que l’on devient et défendre ce que l’on est devenu. Violée à plusieurs reprises par des « clients », dans des conditions sordides, cocaïne et héroïne ont été un moyen de gérer cette situation, avoue-t-elle. Un engrenage, dont elle mettra dix ans à sortir. Je n’étais pas considérée comme une bonne citoyenne car je faisais le trottoir, dit-elle, mais qu’en est-il de ces bons citoyens, ces maris, ces pères de famille, qui soutiennent le trafic sexuel en étant clients ?

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