Après une période compliquée pendant le COVID, la délégation basée à Marseille a repris ses activités à plein. Des accompagnements essentiels, beaucoup de prévention, et de la sensibilisation font partie du quotidien d’une équipe qui tend à s’étoffer.
« La crise du covid a laissé des traces ». Bénévole responsable de l’équipe de Marseille, Nathalie se souvient du creux de la vague : salons annulés, journée des associations supprimée. Heureusement les choses commencent à aller mieux, mais les besoins humains restent importants. La délégation, qui tourne avec trois personnes pleinement engagées, a l’espoir de s’agrandir : « Heureusement, depuis la rentrée de septembre 2022, l’équipe s’est étoffée. Maintenant, il s’agit d’impliquer les personnes au plus vite, tout en veillant à ce qu’elles soient formées. » En 2022, Nathalie, qui a aussi une vie professionnelle et des enfants, a consacré 200 heures à la délégation…
Des accompagnements essentiels
Les bénévoles ont décidé d’axer plus leur action sur l’accompagnement au quotidien. Si les parcours de sortie de prostitution sont assurés par l’Amicale du Nid, la délégation du Mouvement du Nid se concentre sur les rencontres, qu’elles soient de visu ou par téléphone. Aujourd’hui, l’équipe a abandonné les rencontres sur les lieux de prostitution. Actuellement, il ne reste de prostitution de rue qu’aux alentours de la gare.
« Nous accompagnons en ce moment trois personnes trans ; elles sont terriblement discriminées et n’ont souvent pas d’alternative à la prostitution. L’une a un parcours professionnel solide, elle est diplômée et ne trouve pas de travail, ou alors des ménages ; même le conseiller Pôle Emploi spécialisé pour les publics fragiles n’a rien pu faire pour l’aider. Une autre ne sait pratiquement pas écrire et semble très marquée par des viols subis ».
« La troisième est toujours prostituée à 60 ans. Certaines ont encore beaucoup de mal à se montrer ; une de ces femmes nous appelle souvent pour parler, on sent qu’elle est immensément seule, mais elle ne parvient pas à franchir le pas pour venir jusqu’à nous. Ce sont des histoires très dures ; et un public laissé pour compte. »
« En gros, nous suivons beaucoup de femmes qui ne rentrent dans aucune case pour trouver de l’aide », constate Nathalie. Rien n’est facile et les accompagnements soulèvent parfois beaucoup de questions. « Je suivais par exemple une Française avec cinq enfants dont la garde lui a été retirée. Elle ne fait plus confiance à personne, surtout pas aux assistantes sociales. Aujourd’hui, je pense qu’elle n’a que moi.
L’avantage de la délégation du Mouvement du Nid, c’est qu’elle ne représente aucune institution.
La délégation, peu subventionnée, tient à l’esprit de gratuité qui caractérise ces accompagnements : « Nous entretenons très peu de liens d’argent ; quelques courses pour une femme nigériane, des commandes de vêtements sur Vinted… Il nous est arrivé de financer un hôtel pour une étudiante qui devait passer ses examens, mais c’est tout.
Prévention le travail ne manque pas pour l’équipe de Marseille
Côté prévention, le travail ne manque pas et les évolutions sont encourageantes, notamment grâce aux rapports étroits avec les autres équipes du Mouvement du Nid présentes dans la région : « Le travail se mutualise de mieux en mieux avec Avignon et Toulon. ». La délégation d’Avignon, fraîchement recréée, est constituée d’une équipe jeune et motivée. « Il y a un excellent esprit de coopération ; nous avons engagé ensemble la sensibilisation des lycéen·nes et nous sommes très bien reçu·es; j’ai réalisé les supports et l’intervention, accompagnée de deux bénévoles de Toulon et Avignon venu·es pour se former. »
Si l’information auprès du public avait pâti des restrictions liées au COVID, la fin 2022 a permis de belles perspectives, la ville ayant eu la bonne idée de déplacer la Journée des Associations, habituellement au Parc Borély, sur le Vieux Port, rendu piétonnier pour l’occasion. « Une excellente initiative qui nous a valu beaucoup plus de passages. Notre analyse est beaucoup mieux reçue qu’il y a quelques années. On ne nous dit plus que notre combat ne sert à rien… »
Sensibilisation : prostitution étudiante, prostitution filmée
La délégation prévoit par ailleurs de reprendre, avec la délégation de Montpellier, sa pièce de théâtre « J’aimerais arrêtée » (sic), conçue à partir d’échanges avec une étudiante en situation de prostitution. La pornographie (prostitution filmée), sujet auquel elle porte un grand intérêt depuis plusieurs années, est aussi au programme, entre conférences et réédition de la brochure « Pornographie, imaginaires et réalités ».
Les relations avec les élu·es sont en progression. Certain·es font directement appel à la délégation. « Ce fut le cas de ceux de la commune de Gardanne, démunis face à la prostitution de route. Des enseignant.es ont eu le même réflexe alors que la prostitution s’exerçait devant leur lycée et que des jeunes filles se faisaient alpaguer par des « clients »… »
Le chemin est toutefois encore long pour la prise de conscience du monde politique local. A Marseille, le volet de la loi de 2016 concernant la pénalisation des « clients » n’a jamais été mis en œuvre.
La délégation de Marseille sur Tous Bénévoles