Constituée de onze bénévoles et d’une salariée, l’équipe de la délégation des Hauts-de-France, située au coeur de Lille, est très active dans l’accompagnement des personnes, mais également dans les actions de prévention, sensibilisation et formation.
Dans le département du Nord, deux associations, dont le Mouvement du Nid, sont agréées pour déposer des dossiers de demande de parcours de sortie de la prostitution (PSP). A la dernière commission départementale, en décembre 2022, la délégation qui avait présenté 18 dossiers s’est déclarée satisfaite ; parmi eux, 10 ont été renouvelés, 7 ont été acceptés, tandis qu’un dossier a été refusé pour la deuxième fois.
Parmi les heureuses bénéficiaires, Rosa est suivie par la délégation basée à Lille depuis 2017. Après un premier refus, cette personne transgenre d’origine équatorienne a obtenu début 2023 l’accord de la commission pour entamer un parcours de sortie de la prostitution. « Aujourd’hui, j’ai 42 ans et je voudrais trouver un travail qui me permette parallèlement de parfaire mon français », raconte cette femme qui suit des cours de langue à la délégation.
Rejoice a bénéficié, quant à elle, d’un contrat de travail de deux ans. Cette jeune femme nigériane qui a pu également bénéficier d’un PSP, réside dans un logement social et suit parallèlement des cours de français. Elle se rend à la permanence de la délégation lorsqu’elle a besoin d’aide pour remplir un dossier, écrire un courrier… Cette femme épanouie envisage de suivre, à la fin de son contrat, une formation de six mois pour devenir aide-soignante.
Le temps de l’aide judiciaire
Outre l’accompagnement juridique, social et professionnel des personnes, la délégation des Hauts-de-France se mobilise également pour aider certaines dans leur parcours judiciaire. Ce fut le cas notamment pour deux femmes victimes d’une gérante de salons de massage ; elles ont porté plainte pour proxénétisme, avec l’aide de la délégation qui a recueilli leur récit de vie et s’est constituée partie civile.
La gérante des salons de massage a été condamnée en 2022 à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 300 000 euros pour proxénétisme aggravé. Aujourd’hui, grâce à la délégation, la situation d’une des deux victimes qui était sans papiers sera régularisée ; cette mère de famille qui a deux enfants à charge, pourra prochainement exercer un emploi.
La délégation basée à Lille a recueilli également les témoignages de femmes nigérianes qui avaient été agressées et violées par un homme au physique et à la manière de procéder identiques.
« Ecouter les détails sordides de ces agressions à répétition était essentiel pour les victimes mais extrêmement perturbant pour l’équipe de la délégation qui a été fortement marquée », raconte Pauline, une militante de la délégation qui a accompagné ces femmes victimes.
La délégation a transmis les témoignages aux gendarmes qui ont arrêté l’agresseur, un videur de discothèque. Accompagnées par la délégation des Hauts-de-France, les victimes ont porté plainte et se sont constituées partie civile. L’homme a été condamné à vingt ans de prison pour viols aggravés, violences, enlèvement et séquestration.
Sensibiliser, former, prévenir
La délégation se mobilise aussi pour prévenir, sensibiliser, former…
Chaque année, elle anime des stages de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels. En 2022, elle est intervenue à Boulogne-sur-Mer auprès de douze hommes qui avaient été interpellés suite à des écoutes téléphoniques, dans le cadre d’un démantèlement d’un réseau de proxénétisme via Internet.
Durant ce stage, une jeune femme a témoigné de ses années dans la prostitution qu’elle dépeint « comme une forme de suicide par procuration ». Elle a aussifait le récit d’années passées dans la pornographie. Elle a répondu sans détour aux questions posées par les stagiaires.
Pour permettre aux professionnels (éducateur·ices, infirmièr·es scolaires, assistant·es sociales…) de mieux comprendre le système prostitutionnel et d’avoir les outils pour accompagner les personnes en situation de prostitution, la délégation organise chaque année un cycle de formation Travail social et prostitution (TSP).
Depuis 1994, elle a pu ainsi former plus de 700 personnes. Lors de la dernière session, des stagiaires qui accompagnent des mineurs ou des jeunes majeurs en danger, ont été très sensibles au témoignage d’une mère de famille qui a décrit son parcours du combattant pour sortir sa fille de la prostitution.
Chloé, la salariée de la délégation qui fut stagiaire alors qu’elle était élève avocate, assure actuellement des interventions de prévention dans les établissements scolaires et autres structures qui accueillent les jeunes (centres de détention pour mineurs, jeunes en réparation pénale, centres sociaux) ; ces animations tournent autour d’une exposition de photos « A corps perdu » ou « Quitte ta violence pour te battre », assorties de témoignages portant sur différentes formes de violence (prostitution, maltraitance, sexualité, violence conjugale, racisme…).
« A la fin de certaines interventions, j’ai été satisfaite de constater que certaines filles aspiraient davantage à se faire respecter », raconte une infirmière scolaire.
La délégation qui est animée actuellement par une équipe de onze militant·es bénévoles, va également à la rencontre du public en tenant chaque année un stand à la grande braderie de Lille, en septembre. En 2023, elle a également accompagné la toute première avant-première du film « Noémie dit oui » en France, à l’UGC Concorde de Lille (en photo, Bernard Lemettre, délégué départemental, et Geneviève Albert, réalisatrice).
La délégation des Hauts-de-France accueille chaque année en stage des étudiantes de différentes disciplines : éducatrices spécialisées, assistantes sociales, élèves avocates, futurs psychologues… certaines d’entre elles, une fois leur stage fini, s’engagent en tant que bénévole au sein de la délégation.