Un minou en travers de la gorge

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Comment augmenter le marché des crèmes dépilatoires ? En surfant sur la pornographisation ambiante, sans se poser de question.

La marque Veet vient, heureusement, de faire marche arrière, après avoir tenté le diable, ou du moins… le minou. Une campagne lancée sur le Net a en effet hérissé le poil de pas mal d’internautes et même occasionné une pétition en ligne. Prônant l’épilation intégrale et intitulée mon minou tout doux, elle mettait en scène une chatte dans une chambre rose, susurrant : Quand mon minou est tout doux, il fait miaou-miaou. Quand mon minou pique partout, il fait bouh-bouh-bouh… Les publicitaires aimant la subtilité (chatte, minou) et la rime de haut niveau, le mot minou était couplé avec valoir le coup et caresser partout.

La campagne était assortie d’un jeu d’épilation virtuelle occasionnant chez un matou voyeur, en cas d’imperfection, des hauts-le-cœur on ne peut plus élégants.

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Faut-il commenter ? L’épilation intégrale, on le sait, est directement issue des codes pornographiques. Que Veet ait retiré sa campagne le 6 mai est un minimum. Mais le mal est fait. Le format de son coup de pub’, chansonette et dessin animé, cible sans vergogne les tout justes pubères. Les jeunes filles, voire les petites filles, subissent non-stop ces agressions douçâtres destinées à leur vendre un modèle de sexe alors que leur sexualité est à construire[À lire également : [Sexualisation précoce : la fabrique des Lolita.]].

Comment résister à cette entreprise de destruction tous azimuts ? Peut-être en pratiquant le boycott, arme trop négligée, ou en suivant l’exemple de nos amies danoises. Effarées par la mutilation croissante des sexes féminins par la chirurgie dite « esthétique » qui œuvre à leur donner l’allure popularisée par l’industrie du porno, elles ont pris leur courage à deux mains ; et rassemblé en ligne, tout simplement, des photos de vulves de femmes « ordinaires » afin que toutes soient délivrées de l’idée qu’elles ont un sexe anormal[« L’Origine du monde » en Photomaton, [Courrier international.]]. Qui osera dire, une bonne fois pour toutes, à quel point les pornographes et les publicitaires auront réussi à empoisonner la vie des femmes ?


À lire aussi, ailleurs

« Mon minou tout doux » : éloge funèbre à la campagne de pub « Veet » retirée,

par la blogueuse Daria Marx

Tu es parti trop tôt, « Mon Minou », et c’était pourtant nécessaire : tu véhiculais l’idée selon laquelle les femmes doivent se soumettre à l’épilation totale de leur parties intimes pour plaire, et tu visais, selon les aveux téléphoniques de l’agence Edelman – qui prend en charge les relations publiques de la marque – les adolescentes encore trop attachées à leur pilosité. Tu voulais convaincre les jeunes chattes (sic) qu’il n’était jamais trop tôt pour commencer à utiliser des molécules abrasives sur leurs muqueuses.