Contre le choix pro-prostitution d’Amnesty International

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Il ne peut y avoir d’amnistie pour un être humain achetant un autre être humain, même pour quelques heures. Il ne peut y avoir d’amnistie pour les clients de la prostitution, même si la personne prostituée l’est par «choix». Comme de nombreuses sections nationales d’Amnesty International, nous nous opposons donc au projet de politique libérale proxénète défendu par leur siège.

Le conseil international d’Amnesty International qui se tient du 7 au 11 aoùt 2015 à Dublin propose à ses sections nationales du monde entier de se prononcer sur un texte en faveur de la dépénalisation du travail du sexe. Cette politique pro-prostitution signifie non seulement le maintien de l’impunité des acheteurs du sexe, mais aussi la dépénalisation des proxénètes. Légaliser la prostitution et dépénaliser le proxénétisme, c’est renforcer la traite et l’esclavagisme sexuel.

Annonce

La légalisation ou la décriminalisation de la prostitution est un outil de légitimation pour l’industrie du sexe. Si les juristes d’Amnesty International proposent de dépénaliser les personnes prostituées, ce que nous saluons, ils militent dans le même temps pour des politiques de dépénalisation du proxénétisme «non coercitif» et de légitimation des consommateurs, telles que mises en œuvre dès 2000, en Allemagne et aux Pays-Bas, avec les résultats que l’on connaît désormais : la police néerlandaise dit publiquement depuis 2010 que la législation n’a profité qu’aux proxénètes, tandis que les personnes prostituées sont toujours recrutées parmi les groupes les plus discriminés et sont toujours contraintes à la prostitution. En Allemagne, le constat établi n’est pas plus réjouissant. En mai 2013, Der Spiegel consacrait un dossier entier à «L’Allemagne-bordel», sous-titré «Comment l’Etat a promu la traite des femmes». Depuis, Europol a rappelé au Parlement européen que la traite des êtres humains augmentait particulièrement dans les Etats ayant légalisé la prostitution et dépénalisé le proxénétisme. Cette analyse est confirmée par la recherche «Does Legalized Prostitution Increase Human Trafficking?» que trois économistes européens ont menée sur 150 pays.

Non à la politique ultralibérale et patriarcale promue par les juristes d’Amnesty International. Le système prostitutionnel représente un aspect de la domination masculine dans sa forme pure. Le client achète une marchandise, la prostituée, qui devient son instrument de plaisir. Dans ce rapport de domination, l’homme détient tous les pouvoirs : le sexe et l’argent.

En militant pour la non-pénalisation des acheteurs de sexe, le siège d’Amnesty plaide pour le maintien d’une longue tradition patriarcale de mise à disposition du corps des femmes au profit des hommes et de leurs prétendus «besoins sexuels irrépressibles». Pour justifier cette politique, Amnesty prend soin de redéfinir le sujet en qualifiant la prostitution de «travail du sexe» et la définissant comme un «accord contractuel par lequel des services sexuels sont négociés entre adultes consentants». Mais il s’agit en réalité d’entériner une politique en faveur de l’esclavage sexuel, la traite, les camps de dressage, les tortures, les actes de barbarie, les mauvais traitements, les assassinats, les viols… qui sont le «lot» du système prostitutionnel.

Amnesty International, ONG de défense des droits humains, trahirait sa vocation en faisant le choix d’apporter son soutien aux esclavagistes modernes de l’industrie du sexe.

L’idée de l’abolition de la prostitution est apparue au XIXe siècle avec la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Des humanistes comme Victor Hugo, Jean Jaurès, Victor Schoelcher ont développé l’idée de combattre la prostitution en tant que forme d’esclavage. Pourquoi Amesty International, ONG de défense des droits humains, ne se positionnerait pas contre cet esclavage comme le font les sections nationales d’Amnesty France et Suède qui souhaitent défendre les personnes prostituées, et qui s’opposent à l’impunité des proxénètes et des acheteurs de sexe.

Nous continuerons de notre côté à plaider pour la dépénalisation des personnes prostituées et la mise en place d’alternatives réelles à la prostitution, ainsi que pour la condamnation du proxénétisme et de l’achat d’un acte sexuel. Car nous militons pour une sexualité égalitaire et libérée de toutes les violences, discriminations et injonctions, qu’elles soient morales, physiques, psychologiques ou économiques.

La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde mais la plus ancienne forme d’oppression !

Ce texte est à l’initiative du mouvement Femen, du Mouvement du Nid, de la Coalition for the Abolition of Prostitution (CAP International), de l’Alliance des femmes pour la démocratie (AFD-MLF) et soutenu par Zéro Macho, les Effronté-e-s, Encore féministes!, Osez le féminisme, Femmes solidaires, Kadidia Sangaré (avocate, présidente de la commission nationale des droits de l’homme du Mali), Conseil national du droit des femmes (Brésil), Lidia Falcon (avocate, présidente du Parti féministe, Espagne), Fadila Mehal (fondatrice et présidente d’honneur des Marianne de la diversité), Philippine Leroy Beaulieu (actrice), Chantal Chawaf (écrivaine), Laurence Zordan (philosophe, écrivaine), Gérard Biard (journaliste), Julien Seri (réalisateur), Taslima Nasreen (écrivaine et féministe), Rosen Hicher, ancienne prostituée.