L’Assemblée adopte la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

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Les députéEs ont adopté mercredi 4 décembre 2013 la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Vingt sénateurs/trices de tous partis ont déjà fait part de leur détermination à ce que le Sénat examine au plus vite ce texte, salué par les associations abolitionnistes.

Inverser le regard sur la prostitution, inverser le rapport de force entre les personnes prostituées et les “clients”, les défenseurEs de cette proposition de loi ont valorisé son approche novatrice et audacieuse.

Symbole du retournement de situation, ses articles 13, 16 et 17 abrogent le délit de racolage et pénalisent l’achat d’un acte sexuel, dans l’objectif [1] de mettre en cohérence notre droit avec notre conception de la prostitution en tant que violence, de soustraire la sexualité à la violence et à la domination masculine. La pénalisation des “clients” se veut aussi dissuasive à l’égard des proxénètes et un levier inégalé pour agir sur les mentalités, en posant solennellement un principe : il est interdit d’acheter l’accès au corps d’autrui et à sa sexualité.

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L’abrogation du délit de racolage (les condamnations pour ce délit seront supprimées des casiers judiciaires des personnes concernées) complète le second versant de la démarche en rétablissant les personnes prostituées en tant que victimes du système prostitutionnel. Ce double mouvement de pénalisation des « clients » et décriminalisation des personnes prostituées se veut avant tout une solution protectrice à leur égard, en minorant le sentiment d’impunité des « clients » et leur poids dans le rapport de force. Le pari est de faciliter pour les prostituées la dénonciation des violences et prises de risques (acte sans préservatif…) dont les « clients » sont familiers [2].

Si la pénalisation des « clients » a quasiment occupé tout l’espace du débat, l’axe social de la proposition de loi représente un progrès non négligeable. Dans les départements, le texte crée une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains, mettant en œuvre pour toute personne victime de la prostitution (…) un système de protection et d’assistance et créant un parcours de sortie de la prostitution pour celles qui le voudraient et pourraient bénéficier d’un accompagnement privilégié. 20 millions d’euros sont promis par l’État pour abonder ce fonds d’aide aux victimes, qui devrait recevoir également les amendes prévues à l’encontre des « clients » et les fruits de la confiscation des biens issus du proxénétisme. Les personnes étrangères bénéficieront en outre d’une autorisation provisoire de séjour dès lors qu’elles seront engagées dans un parcours de sortie de la prostitution, sans plus être soumises à l’obligation de dénoncer un proxénète.

Enfin, l’axe incontournable de la prévention du risque prostitutionnel n’a pas été oublié avec l’inscription de la prostitution et de la marchandisation des corps parmi les sujets traités dans les établissements du secondaire lors des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective.

Nous aurons largement l’occasion de revenir dans Prostitution et Société sur les prolongements de ce texte et les débats qu’il a suscité au sein de l’ensemble du mouvement social.

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Sur le site de l’Assemblée nationale, retrouvez l’ensemble du dossier législatif concernant cette proposition de loi avec notamment le texte adopté, tous les débats parlementaires retranscrits et filmés, le vote groupe par groupe.

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[1 À lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi n°1437 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

[2 De nombreuses études identifient le « client » comme le premier responsable des agressions contre les personnes prostituées ainsi que demandeur d’actes sexuels sans préservatifs. À ce sujet, lire sur ce site :