Danielle Bousquet, Présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes...
C'est une loi centrale, indispensable dans la philosophie de lutte contre les violences.
Les belles histoires de Tonton Robert
Robert Badinter, qui s’était déjà illustré en 2002 en s’opposant farouchement à la pénalisation des « clients » de prostituéEs mineurEs, a récidivé devant la Commission Spéciale du Sénat qui l’a auditionné dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sur le système prostitutionnel. Usant de sa stature, il s’est engagé plus que jamais dans une défense sans nuances des « clients ».
Choquée – et elle n’est pas la seule – par les propos d’un homme dont on ne veut croire qu’il roule pour ses propres intérêts, Isabelle Alonso, féministe engagée, chroniqueuse et comédienne, a repris ses propos un par un pour se livrer à une analyse décapante.
Le texte est long, irrévérencieux de l’aveu même de son auteure, mais sa lecture nous semble salutaire.
La demande des « clients » en question à l’ONU
Le recours aux personnes prostituées n’est pas un droit fondamental des hommes.En février 2006, Sigma Huda, rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a publié son premier rapport[[Intégration des droits fondamentaux des femmes et de l'approche sexospécifique, Sigma Huda / Conseil économique et social des Nations Unies, février 2006. À télécharger sur cette page.">ce qui] témoigne d’une interprétation profondément erronée de la pratique actuelle de la prostitution dans le monde. Abordant la dimension de la demande des "consommateurs de services sexuels", Sigma Huda rappelle la nécessité pour les Etats de prendre des mesures dissuasives en référence à l’article 9 du Protocole :
Les Etats Parties adoptent ou renforcent des mesures législatives ou autres, telles que des mesures d’ordre éducatif, social ou culturel, notamment par le biais d’une coopération bilatérale et multilatérale, pour décourager la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation des personnes, en particulier des femmes et des enfants, aboutissant à la traite.Pour la rapporteuse,
en s’engageant dans un rapport sexuel rémunéré, le consommateur de services sexuels inflige à la victime de la traite un grave dommage supplémentaire qui équivaut à un viol, en sus et au-delà des moyens préjudiciables employés par d’autres pour la faire entrer ou la maintenir dans la prostitution.(…) Il existe de sérieuses raisons de penser que de nombreux consommateurs de services sexuels savent que les femmes et les enfants avec lesquels ils ont des rapports sexuels sont soumis à des moyens illicites énoncés dans le Protocole, et que des normes culturelles très répandues encouragent le recours à des personnes prostituées malgré cette connaissance.Sans illusion, elle ajoute que
même les mieux intentionnés des consommateurs de services sexuels seront probablement incapables de faire la différence entre les femmes qui ont été victimes des moyens illicites énoncés dans le Protocole et les autres, si tant est que celles-ci existent.En considérant le
caractère sexospécifique de la demande, Sigma Huda relève un acte dans lequel
les acteurs se conforment à des rôles sociaux qui prescrivent certaines manières masculines de se comporter, de penser, de savoir et de posséder un pouvoir social.Elle dénonce des hommes qui s’engagent
dans une forme hautement sexualisée de racisme dans laquelle ils se convainquent rationnellement que l’exploitation sexuelle ne porte pas préjudice aux femmes et aux enfants de race, de nationalité ou de groupe ethnique différents.
Réprimé-e-s, les prostitué-e-s sont plus vulnérables
La politique de lutte contre la traite a jusqu’ici été axée sur la prévention et la répression du comportement des trafiquants ou sur la réduction de l’offre des victimes par l’intermédiaire de campagnes d’information ou autres. La Rapporteuse juge ces mesuresimportantes et nécessairesmais estime qu’elles
doivent s’accompagner de projets ciblés visant expressément à décourager la demande. Elle accompagne ses réflexions d’une affirmation de taille dans un texte de l’ONU :
le recours à des personnes prostituées n’est pas un droit fondamental des hommes.Faisant état de la loi suédoise qui pénalise les clients, elle la juge
particulièrement appropriée contre la demande, notamment pour sa
fonction normative. C’est une expression concrète et tangible de la conviction qu’en Suède les femmes et les enfants ne sont pas à vendre.Sigma Huda critique les lois internes qui répriment les personnes prostituées et contribue à les rendre plus vulnérables et plus susceptibles de devenir victimes du proxénétisme. Face à l’argument de la clandestinité croissante de la prostitution, toujours opposé à ceux qui souhaitent la pénalisation des clients, la Rapporteuse estime que
la légalisation de la prostitution a pour effet de faire passer des atteintes aux droits de l’homme pour un simple travail légitime, "occultant" ainsi certaines atteintes commises au vu de tous.Pour elle, cette légalisation
crée un climat favorable à la demande et doit donc être déconseillée.Enfin, elle souligne l’avancée importante que représente l’instauration de la compétence extraterritoriale permettant par exemple de poursuivre les adeptes du tourisme sexuel impliquant des enfants. Elle se félicite particulièrement des mesures prises par l’ONU, les Etats-Unis, la Norvège qui ont interdit à leur personnel militaire d’avoir recours aux services de personnes prostituées et termine en citant des campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation visant à décourager la demande (Chicago, sensibilisation du grand public ; Madrid, campagne d’affichage, etc).
Lorraine Questiaux, avocate au barreau de Paris
La prostitution est désormais considérée comme contraire à des valeurs ayant une portée juridique contraignante : santé, dignité, égalité hommes-femmes.
Liliana Gil, éducatrice spécialisée à l’Aide Sociale à l’Enfance
La prostitution des mineures, c’est grave en Thaïlande mais ici, nos gamines, c’est leur faute !
Florence Montreynaud, historienne et écrivaine
[Certains] hommes mettent l’accent sur l’érotisme, sur le désir et le plaisir. Rien dans la prostitution ne correspond à leur sexualité, ni n’éveille leur érotisme. Ils envisagent la sexualité autrement que sous le signe du pouvoir, de l’argent.
« Nous voulons que chaque femme ait le choix, véritable, de ne pas être prostituée »
Nous sommes là aujourd’hui pour porter la voix de nos soeurs survivantes de la prostitution. Mais aussi celles des femmes qui se battent en ce moment même pour survivre, et surtout, pour celles qui n’ont PAS survécu
De l’attachement aux traditions
Dans la prostitution, deux mondes s'opposeraient : les "traditionnelles", françaises que leur ancienneté sur nos trottoirs a fondues dans le paysage, et les "victimes de la traite", ces nouvelles arrivantes des pays de l'Est ou d'Afrique forcément esclavagisées par les réseaux.
Pendant ce temps, on assassine!
C’est un nombre record d’agressions – et même un meurtre – que la délégation de Paris du Mouvement du Nid a relevés en l’espace de quelques jours (fin 2014) à la Porte de Vincennes où elle se rend à la rencontre des personnes prostituées. Elle lance donc l’alarme alors que le Sénat semble tout faire pour enterrer la proposition de loi qui permettrait enfin la mise en place de mesures d’accompagnement et de parcours de sortie pour ces personnes en danger.
Roselyne Bachelot : «Faire comprendre aux hommes qu’avoir recours à la prostitution, c’est entretenir...
Roselyne Bachelot, ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale, est reçue mercredi 30 mars 2011 par la mission d'information sur la prostitution, qui termine ses travaux sur cette dernière audition. Dans un entretien publié dans Le Parisien, elle prend position en faveur de la pénalisation des « clients » de la prostitution.